Lorsque l'explosion a lieu, il y a des petits bouts de miroir qui jaillissent de partout. Ils sont projetés sur tout le plancher de danse, sur tous les danseurs criblés de petits bouts de verre où se réfléchit la lumière. La fumée, il n'y en pas. Plutôt beaucoup de vapeur qui sort des corps endormis dans la danse, pour qui rien n'existe que la danse. Et ces petits bouts de verre, ma foi, sont du plus bel effet. Ce sont de gros morceaux de strass, bruts pour ainsi dire, et qui réfléchissent d'un corps à l'autre élégamment la lumière. Les corps atrophiés par les rythmes trop connus se pâment et désespèrent jusqu'à ce que le désastre ait lieu. Et puis c'est l'ivresse qui reprend, mais sur de plus belles bases. Plus solides aussi. Tout tourne. Désormais, oui, tout tourne. La spirale des lumières se met en mouvement et tournoie, se déploie, prend des proportions inimaginables qui ne veulent rien dire et vers où personne jamais ne regarde. Pourquoi ? La raison n'est pas dans le pourquoi. On n'en a que faire. Et d'abord, quelle raison ? Laquelle ? Celle qui fait fuir et qui amène l'ambulance alors que ces hommes, ces femmes, ces pantins, jouissent de leurs fractures, jouissent dans leur sang qui goutte sur le plancher de danse parcouru de longs hymnes symphoniques. Le rythme endiablé qui sort de la torpeur. Le rythme condamné à ne souffrir que le temps de cette chanson. Qui s'éteint comme l'aube disparaît avec regret dans sa longue convalescence ; elle s'abîme et jamais ne ressort

aussi belle.

Ma foi, elle sort différente.

Faisant taire à jamais les sons déjà mille fois entendus, elle s'accroche et désespère. Puis elle se ranime. C'est symétrique, après tout. La pièce n'en est que plus belle, plus lumineuse. Le théâtre bouge davantage qu'avant, même sur le même rythme. Même sur les mêmes sons. C'est qu'il a rougi. Il rougit fort.

Il rougit encore.

Il sourit aussi.